Le monde d’aujourd’hui est dominé par les logiques de marché et présente dans le même temps des mouvements répondant à des logiques communautaristes, ethno-nationalistes ou religieuses, débouchant dans nombre de cas sur des violences, parfois extrêmes. Cherchant à se dégager des unes et des autres, des mouvements sociaux émergent qui combinent demandes socio-économiques et affirmations identitaires ; territorialité et déterritorialisation ; ancrage dans des communautés reconstruites ou nouvelles (échelle locale), volonté démocratique (échelle des Etats-nations) et ouverture au monde à travers des réseaux transnationaux d’ONG, d’associations, de nouvelles technologies de l’information et de la communication, de migrants.
Les mouvements indiens de la fin du XXème siècle et du début du XXIème siècle en Amérique latine illustrent ce phénomène de manières diverses, complexes et durables (une longévité d’une cinquantaine d’années). Ils naissent de conflits et de ruptures au sein des communautés traditionnelles, de la désarticulation, de l’éclatement ou de l’épuisement de la closed corporate community Ils visent à constituer des néo-communautés. Ils tissent entre elles des liens qui peuvent faire renaître ou naître des entités ethniques plus larges. Sauf cas exceptionnels, loin d’avoir des visées séparatistes, ces mouvements inscrivent leur action dans les cadres nationaux hérités des Indépendances, ils luttent contre les discriminations et les exclusions, pour une intégration meilleure et selon des modalités plus équitables. Ils ne sont pas le produit d’institutions étatiques ou supra-étatiques (contrairement à l’ancien indigénisme) et ne s’organisent pas en structures verticales mais se développent plutôt horizontalement en flux, échos et correspondances, à l’intérieur et au-delà des frontières nationales.
Dans les dernières décennies, l’intensité et les nouvelles formes du phénomène migratoire accélèrent la désintégration de l’ancienne communauté territorialisée, la dispersion et l’anomie, mais elles peuvent également être un terreau pour l’éclosion de communautés diasporiques, de « communautés transnationales ». Celles-ci ne constituent pas des entités consolidées, mais des figures mouvantes, précaires qui n’existent qu’à travers les liens économiques, sociaux et culturels (rarement politiques) que les segments épars entretiennent entre eux. Elles relèvement moins de la reproduction que de la production, d’une création reposant sur la mobilisation des acteurs et toujours menacée de retomber. Mouvements en réseau, communautés en réseau, mouvements communautaires en réseau : ces phénomènes témoignent, y compris dans leur fragilité et leur avenir incertain, de l’inscription des Indiens d’Amérique latine dans l’actuelle ère de la globalisation.
Informations
- Caroline Cunill
- 17 décembre 2015 00:00
- Conférence
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